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Troisième volet d’une « poétique de l’imaginaire » initiée en 1998, l’essai de Gilles Tiberghien redessine, à partir d’une cinquantaine d’œuvres d’art contemporain, les limites du monde réel pour l’ouvrir sur les territoires de l’imaginaire. Il regroupe, outre les reproductions des œuvres, un choix de textes de poètes contemporains (Olivier Cadiot, Pierre Alféri, Yannick Liron, Emmanuel Hocquard, etc.), plusieurs textes de Tiberghien ainsi que des extraits de ses carnets de voyages.

Pour une république des rêves parle de l’imaginaire des voyages. Avant même que nous parcourions les paysages à la rencontre desquels nous projetons d’aller, il en rend possible la perception. Car, comme l’écrit Gaston Bachelard, « avant d’être un spectacle conscient tout paysage est une expérience onirique ». En témoignent les récits que nous faisons ou ceux que nous écoutons, les photographies, les films, les objets rapportés et les carnets. Chacun, en effet, à des degrés divers, est un concentré de rêves et de réalité. Le titre fait référence à une nouvelle, « La république des rêves », publiée par Bruno Schulz dans son recueil Les Boutiques de cannelle. En racontant une excursion hors de son village l’auteur déroule peu à peu ses rêves et ceux de ses camarades enfants, tous désireux alors de créer une république où l’on mènerait « une vie placée sous le signe de la poésie et de l’aventure ». Devenus adultes ils voient, un jour, arriver au milieu d’eux un homme aux yeux incroyablement bleus qui proclame la république des rêves. Ce « n’est pas un architecte, plutôt un metteur en scène, un régisseur de paysages et de décors cosmiques. Son art consiste à saisir au vol les intentions de la nature, à lire dans ses aspirations secrètes ». Cet homme, à l’évidence, est un artiste, poète, voyageur et créateur de mondes où chacun est invité « à continuer de construire, de créer » et à poursuivre à sa façon son propre rêve.
On comprend alors tout naturellement que ce livre accompagne une exposition au CRAC Alsace, dont le parcours, comme le vent, en dessinant la carte instable des nuages, pourra surprendre mais aussi guider les voyageurs-visiteurs.

Philosophe et essayiste, Gilles A. Tiberghien enseigne l’esthétique à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est membre du comité de rédaction des Cahiers du Musée d’Art Moderne. Il est l’auteur, entre autres, de Land Art, Carré, 1993 ; Land Art Travelling, ERBA, 1996 ; Nature, art, paysage, Actes-Sud / ENSP, 2001 ; Amitier, Desclée de Brouwer, 2002 ; Notes sur la nature, la cabane et quelques autres choses, Le Félin, 2005 ; La Nature dans l’art sous le regard de la photographie, Actes Sud, 2005 ; Emmanuel Hocquard, Seghers, 2006 ; Paysages et jardins divers, Mix, 2008 ; Courts-circuits, Le Félin, 2008 ; Dans la vallée [avec Gilles Clément]. Biodiversité, art et paysage, Bayard, 2009.

Pour une république des rêves de Gilles A. Tiberghien, Editions Les Presses Du Réel, 22/07/2011, 192 pages